L’heure de la « ZAN » : l’ouverture à la sobriété foncière

La « zéro Artificialisation nette » (ZAN) est née de la nécessité de lutter contre l’artificialisation des sols. L’étalement urbain ainsi que la surconsommation de foncier affectent notre qualité de vie par leur impact sur les espaces naturels, agricoles et forestier. L’urbanisme doit dès lors prendre en compte cette problématique en matière d’aménagement du territoire. La ZAN vise à limiter la consommation d’espaces à des fins d’urbanisation. Lorsqu’il est impossible d’éviter l’urbanisation, il s’agira alors de compenser par des surfaces équivalentes d’espaces naturels pour parvenir à un équilibre nul en matière d’artificialisation des sols.

Origine de la ZAN

La notion de « zéro artificialisation nette » est énoncée pour la première fois le 4 juillet 2018 par le Plan biodiversité. Plus récemment, le cadre en est fixé par les articles 191 et suivants de la Loi Climat et Résilience du 22 août 2021. Le terme d’artificialisation est défini par le législateur comme «l’altération durable de toute ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et de son potentiel agronomique par son occupation et son usage ».

Par la suite, la loi dite « 3DS » relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration vise à mettre en œuvre cette notion dans les territoires. Elle a ainsi allongé les délais de mise en compatibilité des documents d’urbanisme avec les objectifs ZAN, et porte des mesures de simplification et de différenciation de l’action publique locale.

Dernière évolution, deux décrets en date du 29 avril 2022 viennent enfin de préciser les règles qui encadrent l’artificialisation des sols. Le premier est relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols, le second fixe des objectifs en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires (SRADDET).

Les différentes échéances

La Loi Climat et Résilience prévoit d’atteindre en 2050 un objectif national de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en 2050. Diviser l’artificialisation des espaces naturels, agricoles et forestiers par deux par rapport à la décennie précédente constituera une première étape fixée en 2031. Il sera néanmoins nécessaire de concilier cet objectif avec des impératifs sociaux. En effet, il faut maintenir un rythme de construction de logements pour les ménages.

Les documents d’urbanisme régionaux (SRADDET, SDRIF, PADDUC ou SAR) évolueront et devront intégrer des objectifs de réduction de l’artificialisation. Le schéma modifié entrera en vigueur au plus tard le 22 août 2023.

Dans le cas des SCOT, la première révision ou modification suivant l’adoption des modifications des documents régionaux intègrera ces objectifs fixés par la loi Climat et Résilience, avec comme date butoir le 22 août 2026 et le 22 août 2027 pour les PLU.

Construire autrement

L’objectif du ZAN ne vise pas à arrêter en totalité les projets de construction ou d’aménagements. Il s’agit plutôt de produire d’une façon différente.

Densification des villes

La densification des constructions doit être optimisée afin de respecter les objectifs de la loi Climat et Résilience.

La loi Climat et résilience ajoute l’article – L. 300-1-1 – au Code de l’urbanisme. Ce dernier instaure l’obligation de réaliser une étude sur l’optimisation de la densité des constructions en préalable à une opération d’aménagement faisant l’objet d’une évaluation environnementale.

L’article 208 de la loi Climat et résilience prévoit comme critère de qualification une « densité minimale de constructions, le cas échéant déclinée par secteur » (art. L. 312-4 C. urb.), ce qui devrait permettre de rationaliser la densification des nouvelles constructions, notamment en ce qui concerne le logement individuel.

Dans les zones d’aménagement concerté, le règlement du PLU pourra déterminer une densité minimale de constructions (art. L. 151-27 C. urb.).

Les logements collectifs de grande hauteur sur des espaces déjà urbanisés seront ainsi favorisés. A Toulouse, des pistes pour pouvoir construire plus haut et respecter les termes de la Loi Climat et Résilience en matière d’artificialisation des sols sont étudiées.

Réinvestir l’existant

L’immobilier constitue donc un levier important pour densifier les villes tout en garantissant la zéro artificialisation nette. Il s’agit donc de se tourner vers des projets de rénovation ou de construction neuve sur des milieux déjà artificialisés, tout en respectant l’habitabilité.

Un impact sur les projets commerciaux

L’article L. 752-6 V du Code de commerce (C. com.), issu de l’article 215 de la loi Climat et Résilience, mentionne l’impossibilité de délivrance d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) pour des projets engendrant une artificialisation des sols.

Même si l’habitat est le principal responsable de l’artificialisation des sols, les grandes zones commerciales sont les plus visées dans ce domaine. Les constructions de surfaces commerciales ou extensions de plus de 10 000m2 seront désormais interdites, sauf dérogation de la commission départementale d’aménagement commercial. Pour une telle dérogation, le projet devra s’insérer dans le tissu urbain existant ou répondre aux besoins du territoire.

La réforme des outils fiscaux comme levier

La fiscalité favorise aujourd’hui l’extension urbaine en taxant davantage le foncier bâti ou à bâtir que le foncier naturel et agricole. Rénover s’avère être aussi plus coûteux qu’un foncier vierge pour une construction neuve (Comité pour l’économie verte, 2019). La réforme des outils fiscaux en faveur de la réhabilitation, de la reconstruction ou de l’optimisation de l’existant (surélévation, modularité des bâtiments) est donc un outil essentiel.

Par exemple, exonérer totalement de taxe d’aménagement les projets qui ne changent pas l’emprise au sol du bâti (surélévation, rénovation, reconstruction) pourrait être une mesure efficace.

La loi prône un équilibre entre : la maîtrise de l’étalement urbain, le renouvellement urbain, l’optimisation de la densité des espaces urbanisés, la qualité urbaine, la préservation et la restauration de la biodiversité
et de la nature en ville, la protection des sols des espaces naturels, agricoles et forestiers, [et] la renaturation des sols artificialisés.

La ZAN apparaît comme l’un des enjeux de demain pour les constructeurs-aménageurs qui devront concilier la ZAN avec le développement territorial

Sources

Article 191 – Loi Climat et Résilience

Article L 101-2 Code de l’Urbanisme

Décret 2022-763 du 29 Avril 2022

Loi 3DS du 21 Février 2022

Article L 300-1-1 Code de l’Urbanisme

Article L 312-4 Code de l’Urbanisme

Auteur/autrice : Delphine Jamet

Responsable Service Juridique à PATRIMOINE SA Languedocienne

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